VARIÉTÉS BORDELOISES ou E S S A I HISTORIQUE ET CRITIQUE SUR LA TOPOGRAPHIE ANCIENNE ET
MODERNE DU DIOCÊSE DE BORDEAUX PAR L'ABBÉ BAUREIN TOME III BORDEAUX FERET ET FILS, LIBRAIRES‑ËDITEURS 15 Cours de L'INTENDANCE 1876 |
Extrait :
Livre
cinquième
Article XXXII
Pages :204
à 208
Collection :
SAINT‑MARTIN de
LANDIRAS
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La
dénomination de cette Paroisse a beaucoup de rapport à la quantité considérable
de landes au milieu desquelles elle se trouve placée. Quelques anciens
Ecrivains, dont nous avons rapporté l'opinion dans une dissertation au sujet du
prétendu tombeau de Waiffre, Duc d'Aquitaine, qui a été insérée dans le
troisieme Volume du présent Ouvrage, ont observé avec raison, que la
terminaison en as, dans le génie du
langage Gascon, annonce une grandeur quelconque, aussi désagréable
qu'excessive; ainsi la dénomination de cette Paroisse paroît annoncer un trajet
aussi Iong, qu'ennuyeux, au travers des landes, qu'il falloit faire pour
arriver au local où cette Egalise étoit placée. A la vérité, les défrichemens
qui peuvent avoir été faits par le passé, et qui se font tous les jours,
peuvent être cause que les choses soient dans un état différent de celui où
elles étoient dans le principe;
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mais
la dénomination de Landiras a trop de rapport aux landes, pour n'avoir pas été
occasionnée par quelque chose de pareil.
On
n'a point daigné nous faire passer le moindre renseignement local sur cette
Paroisse, ainsi il ne nous est pas possible d'entrer dans tout le détail que
nous souhaitons. Si quelqu'un placé sur les lieux, ou instruit de ce qui
concerne cette Paroisse, vouloit suppléer au défaut de la personne qui a été
invitée de fournir ces renseignemens locaux, nous les recevrions avec
reconnoissance, nous lui en ferions même honneur, ainsi que nous nous y sommes
engagé. En attendant, nous insérons ici le peu que nous savons sur cette
Paroisse.
Elle
est placée dans cette partie de l'Archiprêtré de Cernès qui avoisine les
landes. La population y est assez considérable. L'Auteur du Dictionnaire Universel de la France y comptoit,
en 1726, le nombre de 1535 Habitans. M. l'Abbé Expilly nous apprend qu'en
l'année 1766, on y comptoit 340 feux, ce qui, suivant le calcul de cet
Ecrivain, formeroît une population de 1700 Habitans.
Nous
ne parlerons ni de l'état de l'Eglise de cette Paroisse, qui doit être assez
spacieuse pour en contenir la population, ni du nombre et de la dénomination de
ses différens Villages, ni de la collation de la Cure, ni même de la condition
de celui qui en est titulaire, et qui paroît d'ailleurs avoir été très‑indifférent
sur tous les objets qui peuvent servir à faire connoître sa Paroisse en détail;
nous dirons seulement qu'elle est unie à la dignité du Doyen de l'Eglise
Cathédrale de Saint‑André de Bordeaux, et que ce Dignitaire en est le
gros Décimateur. Il l'étoit autrefois de celle de Saint‑Martin de
Lassats, Paroisse qui n'existe plus depuis long‑temps, mais dont nous
soupçonnons que le territoire est réuni à celui de la Paroisse de Landiras; il
est au moins certain que le quartier de Brachs, où il existe encore à pré
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sent
une Chapelle, à laquelle les rôles Gascons (1) attribuent la qualité de
Paroisse, est enclavé dans le territoire de celle de Landiras. Nous n'avons pas
cru néanmoins devoir placer Brachs au nombre des anciennes Paroisses de ce
Diocese, attendu qu'il n'en est fait aucune mention dans les lieves des
quartieres de l'Archevêché, ni dans les anciens pouilliés.
Le
territoire de la Paroisse de Landiras doit être d'une étendue considérable, et
cultivé dans le goût que le sont les landes en général. Il s'y tient deux
foires par an; la premiere est fixée au second de Février, et la seconde au 11
du mois de Novembre. Il y existe d'ailleurs un marché chaque Dimanche de
l'année. La tenue de ces foires et marchés suppose nécessairement l'existence
d'un Bourg considérable, et d'une population nombreuse dans cette Paroisse. On
nous a mis dans le cas, par le défaut de renseignemens, de ne pouvoir entrer
dans un plus grand détail : nous dirons néanmoins
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quelque chose au sujet de sa Seigneurie et des Seigneurs qui en ont été les anciens Propriétaires.
On
ne peut point douter que la seigneurie de Landiras ne soit ancienne. On n'est
pas en état de fixer l'époque de son ancienneté. On sait seulement que Rostand de Landiras, qui vraisemblablement étoit Propriétaire de la Seigneurie dont il
portoit le nom, vendit, ainsi qu'on
l'a déjà remarqué, à Guillaume 1er du nom, Archevêque de Bordeaux, vers la fin
du douzieme si ecle, la quatrierne partie de la dîme de Barsac, dont ce Prélat
fit don à son Eglise Cathédrale.
Quoique
nous ne puissions pas donner une liste exacte de tous ceux qui ont possédé
cette Seigneurie, nous pouvons néanmoins insérer ici les noms de plusieurs de
ces Seigneurs que nous avons découverts, en parcourant les anciens titres. Nous
ignorons si un Rustand ou Rostand de
Landiras, dont il est fait mention dans une chartre de l'an 1236, étoit le
même que celui qui fit vente à l'Archevêque Guillaume ler : si c'est le même,
il est certain que c'est le plus ancien Seigneur de Landiras, dont le nom soit
parvenu à notre connoissance. Cette Seigneurie passa, dans la suite, à des
Seigneurs appelles de Saint‑Simphorin.
Il paroît par un titre du 20 juillet 1333, que Gaillard de Saint‑Simphorin étoit dès‑lors en
possession de la seigneurie de Landiras. Le Noble
Baron jean de Saint Simphorin, Seigneur de Landiras, lui succéda. Il étoit, selon les
apparences, fils de ce Gaillard. Il passa contrat de mariage le 8 janvier
1343, avec la demoiselle Na‑Aupays,
dont la mere étoit Dame en partie de Roquetaillade.
Ce mariage, avec cette Demoiselle fut contracté du consentement de Pierre de la Mothe son frere, Seigneur
de Langon.
Il
y a lieu de penser qu'il ne fut procréé de ce mariage qu'une fille, qui est appellée
dans les titres Ysabé de Saint Simphorin,
et qui, dès l'an 1358, étoit épouse de Noble Homme jean d’Estratonne, qui,
en sa qualité d'époux, se qualifioit Seigneur de Landiras. Ils étoient l'un
et l'autre
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pleins
de vie en l'année 1391, puisque, dans un titre Gascon, du 7 Août de cette même
année, il est fait mention de
« Noble et
Poderos Senhor, Mossen Johan d'Estratonne, Cavaler, Senhor de Landiras, et de
la Nobla Madona Ysabé de Sent‑Simphorin, Dona de Landiras, sa molher. »
Il
est fait mention de cette Dame et de Marguerite d'Estratonne sa fille, dans un
titre du 7 Avril 1424, dans lequel elles sont qualifiées Dames de Landiras. Nous ne
sommes pas en état de donner une suite exacte des anciens Propriétaires de
cette Seigneurie. Nous savons seulement que dans le seizieme siecle, elle étoit
au pouvoir de la Maison de Montferrand. Suivant un titre du 9 Mars 1571, jean de Montferrand, Ecuyer, étoit
Seigneur de Landiras. Gaston de
Montferrand l'étoit en 1579, ainsi qu'il paroît par un titre du 16 Décembre
de cette même année. Nous apprenons par un autre titre, du 20 Mars 1639, qu'à
cette époque Bernard de Montferrand étoit
propriétaire de la seigneurie de Landiras. C'est M. de Brassier qui en est le
Seigneur actuel.
(1) De
Jurisdictione altâ et bassâ in Parochiis de Illats, Lassats, Giloutz (a), Custen, Brachs,
Sancto‑Michaele de Ripa‑frigida, in Diocesi Burdegalensi, coucessâ
Johanni Russel, militi. (Rôles Gascons, années 1307, 1308, t. I, P‑ 3
5‑)
Pro Gaillardo
de Sancto Simphoriano habendo Jurisdictionem altam et bassam in Parochiis de
Illats, Lassats, Guilotz, Brachs, et Sancto‑Michaele de Rubefrigidd. (Rôles Gascons, t. I, P.
Ioi.)
De restituendo
Johanni de Sancto Simphoriano, Domino de Landirans, possessionem altœ et bassœ
Justiciœ in Parochiis de Illatz, Lassatz, Gilouse, Ousten, Brachs et de Sancto‑Michaele
de Rupe‑frigida in Diocesi Burdegalensi. (Rôles Gascons, t. I, P.
113.)
(a) Les Paroisses de Giloutz et de Custen, ne sont plus connues
sous ces dénominations, qui sont un peu défigurées ; mais il est aisé de
rétablir leurs véritables noms. Giloutz est
Guillos, et Custen est la Paroisse
d'Hostens. Ces deux Paroisses sont encore à présent de la jurisdiction de
Landiras. Au reste, il ne faut pas confondre Brachs, dont il est ici question, avec une Parroisse de même nom,
placée dans le Médoc, et qui est dépendante de la seigneurie de Castelnau. Le
quartier de Brachs, qui existe sous cette dénomination, dans le territoire de
Landiras, est une preuve qu'il étoit question de celui‑ci, et non de la
Paroisse de Brachs, dans le Médoc.