Edition originale |
VARIÉTÉS L'ABBÉ BAUREIN Réédité en 1876 |
Extrait: Collection Privée |
SAINT
MARTIN DE GUILLOS . Cette
Paroisse est située dans cette partie de l’Archiprêtré de Cernès,
qui s'étend vers la lande. C'est mal à propos qu'elle est appellée Guilhots,
dans le Dictionnaire universel de la France, et dans celui de M. l'Abbé
Expilly. Sa
véritable dénomination est Guillos. Son Eglise, qui n'a rien de
remarquable, est petite et presqu'insuffisante pour contenir les
Habitans, quoiqu'il n'y ait que 75 feux; ce qu'elle a de particulier,
c'est d'être la derniere bàtisse de la Paroisse, et la plus avancée
vers le levant. La
Cure de Guillos est séculiere et à la nomination de M. l'Archevêque;
le Curé est seul Décimateur; le presbytere est isolé et situé à
demi-quart de lieue de l'Eglise. Les
principaux Villages de Guillos sont: Le Bourg.... Brot..
Lahon.... Peysot.... Guillemin.... Bernin.... Leluc.... l'Hoste....
le Bernet.... le Libousun, duquel dépendent trois autres Villages ;
savoir le Hil.... Pierros et Guillaume. Il
y avoit anciennement un Village considérable près le presbytere, mais
il n'en subsiste plus aucun
vestige. Une grande partie du territoire de Guillos est en bois-taillis, ou ensemencée en pins qu'on exploite dès aussitôt qu'ils sont propres à servir d'échalas. Quoiqu'il n'y ait presque point de vignes, néanmoins la majeure partie du terroir est une grave très propre pour ce genre de culture. Le restant est. une terre argileuse ; et quoique cette Paroisse soit placée dans la lande, on n'y trouve néanmoins que très peu de sable. Guillos
est situé sur une espece d'élévation, environnée de landes; en sorte
que, de quelque part qu'on y vienne, on est obligé de monter et de
traverser environ une lieue de lande, avant que d'y arriver. Ce qui est particulier à cette Paroisse, c'est qu'on n'y trouve point d'eau courante, ni aucun ruisseau. Elle
est bornée, vers le levant, par la Paroisse de Landiras; au couchant,
par celle de Cabanac; vers le nord, par ces deux Paroisses, qui se réunissent
dans cette partie, et qui bornent Guillos par trois côtés; et vers le
midi, elle a pour limites, les Paroisses d'Hostens et d'Origne. Cette
Paroisse est placée à la distance de cinq quarts de lieue de Landiras,
et de six lieues de Bordeaux; on y fait parvenir les lettres en les
adressant à Castres, sur la route de Bordeaux à Langon. Le circuit de
Guillos est d'environ quatre lieues.
Le
Village le plus éloigné de l'Eglise en est distant d'une lieue. Quoiqu'il
n'y ait point de chemins Royaux dans cette Paroisse, néanmoins les
Bouviers de divers endroits de la lande, de Luxei, par exemple, de Saint
Simphorien, du Tuzan, d’Hostens, etc., passent par Guillos pour se
rendre aux ports de Castres, de Portets et de Podensac; les gens même
de la Teste y passent, lorsqu'ils portent du poisson à Barsac. Les
productions de cette Paroisse sont des seigles, de la milhade ou panis,
du bois de chauffage et des échalas de pins pour les vignes. Les
principaux ports où l'on embarque les denrées, sont ceux de Castres,
de Portets et de Podensac, placés tous trois à peu près à la même
distance de Guillos, c'est-à-dire, à deux lieues et demie. Les
Habitans de cette Paroisse ne font point de commerce, ils ne sont occupés
qu'à la culture de leurs fonds et aux charrois de leurs denrées.
Pendant l'hiver, ils coupent des bruyères pour servir de littiere à
leurs bestiaux, et se procurer par là des engrais; ils coupent les
jeunes pins propres à échalasser les vignes; ils coupent aussi leurs
bois-taillis pour en faire des fagots, appellés faissonnats
en langage du pays. Ils
font produire deux récoltes à leurs terres, en les ensemençant
d'abord en seigle, et en jettant au printemps du panis ou milhade.dans
les reges; cette semence croît à l'ombre du seigle qui est déjà
grand, et après que celui-ci est scié, le panis se trouve assez fort
pour résister aux chaleurs de l'été. On se hâte de le chausser dès
aussitôt que les gerbes de seigles ont été enlevées de dessus terre. On
fait descendre, pour cet effet, la terre qui est sur le sommet des reges
où a crû le seigle. La culture du panis a ce double avantage, qu'elle
contribue autant à la nourriture du Cultivateur, qu'à celle du bétail.
La paille du panis, qu'on appelle javelle,
est d'une très grande ressource dans toute la lande, pour la
nourriture des boeufs; on dit dans toute la lande, car la culture de la
milhade ou panis, n'est pas particulière à Guillos; on n'en parle ici,
qu'autant qu'il n'est pas hors de propos de faire connoitre la culture
des terres de la lande. Ceux
qui n'en sont pas instruits, sont surpris sans doute que des terreins
maigres et sablonneux produisent, chaque année, deux récoltes, tandis
que les meilleurs n'en produisent qu'une seule; mais indépendamment que
la qualité des productions de ces derniers surpasse autant celle des
denrées des landes, que les fromens sont au-dessus des seigles et des
millets, il est à propos de remarquer que ce n'est qu'à force
d'engrais qu'on se procure cette double récolte. A
la vérité, c'est du sein même des landes qu'on tire
ces engrais, puisque les fonds incultes y servent au pàcage
des bestiaux, et fournissent
d'ailleurs la littiere nécessaire pour se procurer des engrais; mais
qu'on le remarque bien, si on venoit à mettre en culture toutes les
landes, comme il semble que les esprits, y sont portés dans le siècle
où nous sommes, on ne craint point de le dire, la culture totale des
landes, s'il étoit possible de les défricher en entier, seroit le
signal de l'extinction prochaine de cette même culture, puisque rien ne
pouvant y croitre sans engrais, et n'étant plus possible de sen
procurer, sans les fonds incultes qui seroient mis en culture, ce seroit
nécessairement préparer la chûte, tant des fonds nouvellement défrichés,
que de ceux qui le seroient de la plus haute antiquité. Sans
entrer ici plus avant dans cette question, dont on ne peut dire qu'un
mot en passant, il semble au moins qu’à l'égard dès lieux de tout
temps cultivés, on pourroit en améliorer la culture; en sorte qu'ayant
avancé qu'il y a dans Guillos une grave très-propre à être complantée
en vigne, il conviendroit au moins qu'elle le fût; il semble même que
c'est la faute des Habitans, de ne pas s'appliquer à améliorer la
culture de leurs fonds. Ces
Habitans ne seroient peut-être, pas exempts de quelque reproche, si,
ayant des facultés suffisantes pour le faire, ils ne s'en abstenoient
que par indifférence; mais il est bon d'observer qu'un pauvre
Cultivateur, qui ne tire sa subsistance que de la production annuelle de
la terre, n'est pas en état de s'en passer, encore moins de faire des dépenses
considérables pour la complantation des vignes, dont il faut attendre
le produit pendant quelques années; c'est vraisemblablement ce qui
s'oppose au changement de l'ancienne culture des fonds situés dans
cette Paroisse. Au
reste, tout Propriétaire est censé vouloir tirer de ses fonds le
meilleur parti qu'il lui est possible, et s'il ne fait pas toujours ce
qu'il sembleroit devoir faire, il y a souvent des raisons qui l'en empêchent,
quoiqu'on ne les apperçoive pas d'abord. Qu'un
particulier entreprenne de former un vignoble dans une Paroisse de
lande, où il n'y a pas un seul pied de vigne; quand celle-ci sera en
production, il éprouvera à quoi elle est exposée, tant de la part des
Habitans ou autres, que de la part des animaux de toute espece; qu'il
l'entoure de haies, de fossés profonds, et de murs même, indépendamment
que toutes ces précautions augmentent considérablement la dépense,
elle n'en seroit pas pour cela à l'abri du dommage qu'y causent les
oiseaux, les guêpes, les frélons et les abeilles, dont la lande est
abondamment pourvue, et qui seroit d'autant plus considérable, que ce
seroit le seul vignoble de la Paroisse. Il
est plus essentiel pour un Propriétaire, qu'on ne pense, de ne pas s'écarter,
du genre de culture généralement reçu dans une Paroisse, pour ne pas
assumer en seul tous les dommages auxquels chaque espece de culture est
exposée. Dans
la Paroisse de Guillos, ce sont les femmes qui supportent les travaux
les plus pénibles de la culture des terres. Plus un Paysan y a d'enfans,
et plus est-il à son aise. L'aîné est constamment destiné à la
conduite des boeufs, le suivant est celui qui est chargé de la garde du
troupeau; on y occupe les autres à des travaux à leur portée. Suivant
une tradition qui subsiste encore, il y avoit dans Guillos un ancien château,
dont à la vérité il ne subsiste aucun vestige, mais dont
l'emplacement est d'ailleurs très connu. Sa
situation étoit des plus belles, il dominoit sur toute cette lande
qu'on trouve en allant de Guillos vers Castres; on y découvroit
Preignac, Langon. L'élévation même sur laquelle il étoit placé se
trouve de niveau, à ce qu'on prétend, avec celle de Sainte Croix du
Mont, qui est un des endroits des plus élevés de la Benauge. Ce
château. étoit entouré de douves en partie, et l'autre partie est
inaccessible, l'endroit étant défendu par des especes d'abîmes, et
par un terrein très mouvant, dont elles sont bordées. Il
y a dans ce lieu une nappe d'eau de l'étendue d'environ un quart de
journal, dans laquelle on entend, pendant les chaleurs de l'été, de très
beau poisson s'égayer et se débattre. Ce château portoit le nom de la
Mothe; on ignore en quel temps et à quelle occasion il a été détruit. On
soupçonne que l'élévation sur laquelle cet ancien château étoit
placé, et qui est d'autant plus remarquable, qu'elle se trouve au
milieu d'un pays plat, peut avoir occasionné la dénomination de la
Paroisse de Guillos. En langage Gallois, qui est une dialectique de la
langue Celtique, Guillio, selon M. Bullet, signifie voir; et Gwiliwr,
sentinelle, vedette, guet, garde, gardien. On
sait que les anciens, qui n'avoient point de courriers, se servoient de
signaux, pour avoir bientôt des avis de ce qui se passoit au loin. Ils
plaçoient, pour cet effet, sur des hauteurs, d'espace en espace, des
gens en sentinelle, qui allumoient la nuit des feux, pour donner avis de
ce qui se passoit en temps de guerre. (Voyez le Dictionnaire de Trévoux, au mot signal ). Il
pourroit se faire que c'est de là
qu'est venue la dénomination de Guillos. Il existe dans cette Paroisse plusieurs lacunes, ou petits lacs, qui sont très belles, et qui sont au nombre de douze; parmi ces lacunes, celle qu'on nomme Troupins, et à laquelle on abreuve les troupeaux de différentes Paroisses, est la plus remarquable. Elle
est placée dans une lande au nord est de Guillos, dans un terrein plat;
et quoique l'eau qu'elle contient parte infailliblement de source, elle
est néanmoins stagnante et sans écoulement. Elle s'y conserve
constamment presque à la même hauteur, sans diminution ni augmentation
sensible; on prétend y avoir apperçu quelque vestige de flux et
reflux; mais si cette observation étoit fondée, il seroit aisé de la
vérifier chaque jour. Au reste, cette lacune est fort poissonneuse; on
y pêche les plus beaux brochets et les meilleures carpes qu'il y ait
aux environs. Sa largeur est de prés de deux journaux. Indépendamment
de ces douze lacunes, il y en a quelques autres qui, à proprement
parler, ne sont que des cavités. Ce qui paroît surprenant, c'est que
dans la partie de lande qui est vers le levant, on voit deux creux
voisins l'un de l'autre, et même contigus; l'un forme une belle nappe
d'eau, tandis qu'il n'y en a jamais eu une goutte dans l'autre. M.
de Brassier, Seigneur de Landiras, l'est aussi de la Paroisse de Guillos.
La haute justice qui lui appartient également, et qu'il tient en qualité
d'Engagiste, est un démembrement de la Prévôté de Barsac. Il paroît
néanmoins, par les rôles Gascons de l'année 1340 (t 1, P 101), que la
haute justice sur Guillos et quelques autres Paroisses voisines,
appartenoit à Gaillard de Saint Simphorien, ou au moins qu'elle lui fut
accordée par Edouard III, Roi d'Angleterre. Ce
Seigneur n'en jouit pas longtemps, puisqu'il paroît, par les rôles de
l'année 13 42 (ibid., p.113),
que dès lors Jean de Saint Simphorien son fils, qui étoit Seigneur de
Lindiras, avoit été dépouillé de cette haute Justice, et qu'il
s'adressa à ce même Roi pour être rétabli en possession de la
jurisdiction, tant sur Guillos. que sur quelques autres Paroisses. |
Réalisée le 6 octobre 2002 |
André Cochet |
Mises ur le Web octobre 2002 |
Christian Flages |
Mise à jour le |
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