Château FILHOT. |
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L'Ormée de Bordeaux. |
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1651 / 1653 |
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Par Henri De VAUCELLES. |
La
trouvaille fortuite d'une monnaie de 1635, auprès de la tour du
pigeonnier au lieu-dit PINEAU à SAUTERNES, a fait rédiger deux notices
rapides sur les mutations de la société bordelaise à cette date.
Une
mention de l'éphémère république bordelaise dite de "l'Ormée"
en a fait demander une notice complémentaire mais le sujet dépasse la
compétence d'un simple amateur d'histoire.
Autour
de la petite ville de Bordeaux du début du XVIIe siècle, notre vieille région
a montré un niveau de désordre socio-politique incompréhensible pour un
non spécialiste, ayant finalement produit peu de morts violentes malgré
la présence de cinq armées( d'Espagne, d'Angleterre, du Roi, des Princes
et de l'Ormée) et d'une littérature durement polémique mais provoqué
une famine et un retour d'épidémie traditionnellement appelée
"PESTE".
Les
décès de LOUIS XIII et RICHELIEU ayant porté au pouvoir la Régente
Anne d'Autriche et son ministre MAZARIN, immigrés notoires, tous les
corps constitués, civils, militaires ou ecclésiastiques vont multiplier
à partir de 1643 toutes sortes de séditions souvent contradictoires,
depuis la famille royale jusqu'aux petites bourgeoisies municipales et
cela en pleine guerre contre l'Espagne.
L'indiscipline
de l'armée des Princes, commandée par M. de GALAPIAN, donnera le mot
"galapiat."
Cette
fronde des Princes et des Parlements ayant particulièrement empêché en
Bordelais toute vie économique et administrative normale par la faute du
Duc d'EPERNON, gouverneur de Guyenne, une nouvelle émeute en 1651 va
provoquer chez les bourgeois et artisans de Bordeaux une association de
hasard appelée l'Ormée, qui prend en mains les affaires de la ville
jusqu'au retour de l'autorité royale en 1653. (Ce nom d'Ormée était
celui de leur première place de réunion.)
Le
scandale provoqué par cette petite révolution, à une époque de généralisation
de la presse et de la langue française, va produire une foule de libelles
de propagande et de témoignages contemporains très diversement conservés.
La
police ayant plus tard détruit le plus possible de souvenirs de cette prétention
séditieuse de gouverner par une assemblée populaire, la majorité des
documents subsistants émane de partisans de l'ordre avec parfois des nécessités
de justifications à posteriori: Le mémoire de Jacques FILHOT,
fonctionnaire pourtant presque massacré par l'Ormée, lui évitera ainsi
l'accusation d'avoir été agent double.
Cette
complexité a ultérieurement provoqué l'intérêt d'historiens divers, même
venus de très loin, qui montrent par leurs différences la relativité de
la notion de vérité historique.
La
surabondance de documents a permis à l'historiographie royale et plus
tard royaliste ou traditionaliste de négliger ce qui risquait de choquer
comme chez Dom DEVIENNE.
L'archiviste
chanoine BAUREIN censurait de même, mais en prétextant un manque de
documentation. Un exemple de ces "oublis" est celui de Bernard
de SAUVAGE, pourtant commandant de troupes de l'Ormée à BORDEAUX-BASTIDE
mais dont la parenté gardait de l'influence.
Après
la Révolution, l'historiographie romantique (inspiratrice d'Alexandre
DUMAS) favorise le souvenir romanesque de la fronde des Princes illustrée
à Bordeaux par le Prince de CONTI et la Duchesse de LONGUEVILLE.
La
Troisième République réoriente la recherche (Communay)
vers la bourgeoisie d'ordre en critiquant alternativement la
noblesse frondeuse et les tentations anarchistes de marginaux sans
influence.
Le
soviétique Boris PORCHNEV voit au contraire dans l'Ormée un essai de démocratie
populaire prolétarienne. Elle utilisait effectivement un drapeau rouge
face au drapeau blanc de l'armée royale.
L'étude
la plus curieuse vient de l'américain S.A.WESTRICH qui voit dans l'Ormée
une forte inspiration par la République Anglaise de CROMWELL, modèle de
la future république américaine..
Il
semble seul à citer le conflit entre les SAUVAGE, anciens Prévôts de
Barsac et les PONTAC, représentant le Parlement et la nouvelle vague de
bourgeois gentilshommes.
Malgré
tout son travail, WESTRICH note quand même que l'histoire sociologique du
XVIIe siècle à Bordeaux reste à écrire. Il ne se rend pas compte,
quand tant de noms restent présents dans le pays, qu'on ne dissèque pas
un vieux tissu social encore vivant sans rencontrer des résistances.
(problème toujours actuel chez beaucoup d'américains)
Devant
ces contradictions, l'érudition bordelaise à évité toute synthèse qui
fâche en regroupant un nouvel échantillonnage "neutre" du
fouillis documentaire sous la signature mystérieuse de J.L. OSMOND dans
la notice "La fée GORGONE" modestement sous-titrée
"Contribution à l'histoire de l'Ormée de Bordeaux" et très
discrètement éditée en 1983 en typographie ancienne pour éviter toute
mise en cause de chercheurs modernes.
L'Ancien
régime, après quelques condamnations, une petite épuration du Parlement
et l'éloignement du duc d'EPERNON, fera oublier ces troubles fâcheux par
une large amnistie. Jacques FILHOT, resté estropié, sera indemnisé et
anobli.
Le
petit chef "DURETÊTE" au nom trop symbolique, paiera de sa tête
pour tout le monde.
Henri
de VAUCELLES.
Réalisée
le 16 avril 2002 |
André
Cochet |
Mise
ur le Web le avril 2002 |
Christian Flages |
Mise
à jour le |
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