TEXTES EN GASCON. | |
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Ma Garbetto. (Ma petite gerbe)
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Chez les Pauvres. Etudes de chez nous.
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Ché lous Praoubes.
Estudos dé ché nous aouts.
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Deux Souvenirs de Guerre. | Dus Soubenis de Guerro. |
Récits et poésies en Langue d'Oc (contrée de Lesparre) avec traduction de l'auteur.
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Abbé D-M. BERGEY.
Curé de Saint Emilion | |
Edition de la Revue Méridionale. 5 rue Fondaudège. Bordeaux. 1923. | |
Collection Christian de Los Angeles. | |
Le Lézard. |
Lou Ladèrt.
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Ces textes sont issus
d'un livre ancien. |
Dédié à
M. l'Abbé Daguzan de Pau, |
Dediat
à Moussu l'Abbè Daguzan de Paou, |
Je ne vous dirai pas son nom, car ses parents vivent encore. Mais comme il
était vif, mince, avec une bouche fendue jusqu'aux oreilles, nous
l'avions appelé en sobriquet : le Lézard. Je l'avais connu, ce bandit, quand j'allais. à l'école de Lesparre, chez ce brave homme de M. Piron. |
Bous direy pas soun noum, caro sous parènts biouen encaro. Mais
coume èro biou et mïnce, en deno gordzo hendudo trunquos à las
aoureillos, l'aouièn apperat per dzaffre : lou Ladèrt.
L'aoui
counechut, aquet agassat, quant anaoui a l'escoulo de Lesparro, chez aquet
brabe home de Moussu Piroun. |
Il était malfaisant, comme pas un. Un vaurien. Il nous entraînait toujours à mal faire. Tantôt il fallait aller attacher un poêlon à la queue du chat de la Cayère. Tantôt il fallait aller enfermer le vieux Manillon dans sa maison, avec des barres en travers de la porte et de la fenêtre. |
Ero escarniou coume pas un ! Balè rè ! Nous menaou toujoun amasso aou maou-ha. .............................
Tantos fallè ana embarra lou beil Manilloun dens soun oustaou, en das paous en trahouès de la porto et de la hinestro. |
Un jour, ne nous entraîna-t-il pas, dans une voiture à âne volée à la Mascarette, du côté des Marceaux, après Saint-Trélody, pour cacher le cochon du Cinglot dans le chai du garde ?
Un garnement,
vous dis-je, à tuer père et mère ! |
En garnimen, bous dédi, a tua pay et may ! |
Et puis pas dévot, je vous l'assure.
Pas un mot de
catéchisme. A la messe, il pinçait les voisins pour les faire remuer ou
crier. L'abbé, impatienté, arrivai |
Apey brigo deboussious, bou l'approumetti !
Pas
en mot de catechime... A la messo, pelïntsaou lous besïns pra ha estorse
o gula. L'abbé arribaou esmalit... Gnacaou lous pes inoucènts... et s'en
anaou canta en lou praoube beil Titoun, lou mande. |
Alors cet air du diable de gosse se mettait à bailler très fort, pour faire retourner et rire les chanteuses et puis aussi pour faire enrager le pauvre Jeanty, notre porte-pique, qui s'irritait aisément. |
Alors aquet airt daou diables de cócho se mettè a badailla tout rude, pré ha recabira et ride las cantusos, apey tabè pré ha marouna lou praoube Jeanty, noste porto-pique, que s'esmalissè lèou. |
Jeanty ouvrait des yeux de petit chat échaudé et se mettait à grommeler, en grinçant des trois ou quatre dents qui lui restaient : « B... de petit vaurien... tu n'as pas fini de bailler comme un lézard ? »
Ça finissait par faire vilain. Un vrai scandale dans la paroisse. |
Jeanty oubrè das èils de minot escaoudat et se mettè a groumoula en grïngants las tres ou quate dènts que yé restaouen : « Vougre de petit baurien, tu n'as pas feni de badailler comme un ladèrt ! »
Aco
fenissé pré ha bilèn. Eno beritablo escandalo dens la parôpi... |
Je vous laisse à deviner ce que devint, en grandissant, ce limier. Personne ne pouvait plus le réduire. Entêté, méchant, orgueilleux comme un pou; il ne fallait lui parler ni de bon Dieu, ni de diable, ni d'église, ni de curé. |
Bous quitti a doubina ce que debïngut en grandissènts aquet limiè. Digün mey poudè l'amayna... Entestat, michant, glourious coume en pedouil... fallè ye parla ni de boun Dious ni de diables, ni de gleizo, ni de curé. |
C'était une forte tête. Au café, chez le coiffeur, au chantier, partout il fallait qu'il parlât et qu'il fût maître. Sinon il se battait comme un chien. |
Aco èro en fort cap. Aou café, chez lou fratère, aou chantiè, pertout fallè que parlèsse et qu'estusse mèste. Aoutremen se battè coume en can. |
Aussi, peu à peu nous l'avions laissé se diriger de son côté. Nous avons toujours été les mêmes ! Au lieu de nous dresser, de répondre, de clouer le bec à ceux qui crient ou mordent, nous aimons mieux, pour éviter les disputes, courber la tête et nous en aller. |
Tabè, tsic a tsic, l'aouièn quittat se drihoua de soun born. En toujoun estat ataou. Aou liu de nous masta, de respounde, de claouherra lou bec das que gulen o morden, aymaouen mey,. pré pas aye de resouns, bacha lou cap et nous en ana. |
C'est ainsi
que fit chacun de nous. Et au bout de quelques années, personne ne savait
point ce qu'était devenu ce diable de Lézard. Je vous parle
de longtemps !
Plus de vingt
ans se sont écoulés. |
Ataou
cadun de nous aouts hit et aou bout de quaouquos annados, digün sabè
pugn ce qu'aouè debingut aquet gaoume de Ladèrt. Bous párli de paouso !
Mey de bïnt ans an passat dempey !! |
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En matin, ya d'aco cheys mes, nosto sectioun hadè eno courbado de cabirouns et de peyros que tiraouen de las rouynos d'en praoube mayne, tout espichagat pras obus. |
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Quand
il eut fini, il se signa lentement, se coiffa, et, tout
doucement... comme une mère... déposa au milieu de la tombe un petit
bouquet de fleurs cueillies dans les champs. Puis il se retourna vers nous
pour s'en aller. |
Quant ayut fenit, se signèt lentemen, se couyfèt et, tout doucemen coume eno may, boutèt aou mitan de la toumbo en petit bouquet de flous, massados dens lous cams. Apey se recabirèt depous a nous auts pré s'en ana. |
Mais soudain
il s'arrêta net, en me regardant : « Tiens ! dit-il tout joyeux... mais
je ne me trompe pas ! C'est toi, Thoumille ! » |
Bala pas que s'arrèsto sec, en me gaytants « Té ! se dichut tout dzeyous... mais me troúmpi pugn ! Aco's tu, Thoumillo ! » |
Est-ce que je
ne reconnais pas mon Lézard ! Mais changé !!!
Un bel homme, ma foi ! Croix
de guerre, galon de sergent, s'il vous plaît ! |
Bala pas que baouc, recounèche moun Ladèrt ! Mais sandzat ! ! En bel home, ma foy ! Croudz de guerro et galoun de sergent, si bou plait ! |
Je dus écarquiller les yeux, car il se mit à rire. « Eh bien !
ça te fait peur de revoir le Lézard ?... |
Diúri m'escaribilla, caro se mettut a ride. «
He bè ! aco t'enchanto de rebeyre lou Ladèrt ? |
Non ! répondis-je... Mais tu m'aurais coupé la fièvre !!...
Je te félicite,
mon ami. Je vois que tu as bien marché... Mais est-ce bien toi, le Lézard
d'autrefois, qui faisais des prières, tout à l'heure,... comme un curé
?... |
Nou
! se dichúri you. Mais... m'aourès coupat la hioure !!!
Te
felicíti, moun amic. Bèdi qu'as bien marchat... Mais es bien tu, lou Ladèrt
d'astat, que hadèoues de las prieros, toutaro, coume en curè ? |
Eh oui ! mon homme ! C'est le Lézard ! Mais pas celui d'autrefois. C'est un autre Lézard que tu as devant toi. Tu sais, mon cher Thoumille, la guerre a changé bien des choses. |
Et o ! moun houme. Aco's lou Ladèrt ! Mais pas lou d'astat. Aco's en aoute Ladèrt qu'as, d'aouhan tu... Sabes, moun chère Thoumillo, la guerro sandzo fort de caousos ! |
Quand on est jeune, bien portant, à l'abri de tout danger, on se redresse comme des coqs. On se croit, ce faisant, plus intelligent que les autres.
Maintenant...
j'ai souffert... mon pauvre Thoumille... » |
Quant l'on es dzène, en bono santat, sens dandzeyt, l'on se masto coume das begueys... l'on se crey, en adènts ataou, pés intelligènts que lous aouts...
Adaro... ey souffert... moun praoube Thoumillo... » |
Et le Lézard
toujours rude, fier, sans une larme, mais le front plissé, se tut un
moment.
Plus
doucement... comme s'il eut craint d'être entendu par les pauvres Morts,
il continua:
« J'ai souffert... Beaucoup... Ici il a fallu obéir, marcher, crever de soif et de faim... parfois... |
Et lou Ladèrt, toujoun rude, fiert, sens eno lermo, mais lou ten plissat, se taysèt en moumen.
Pe doucement, comme s'aouè ayut poou que lous praoubos Morts l'entendussen, countinuèt !
« Ey souffert... Fort... Aqui a fallut aoubaï, marcha, creba de set et de hame... a moumens... |
Et puis il a fallu se battre. Je me souviendrai toute ma vie de notre départ à la baïonnette, dans un déluge d'enfer, sur la côte entre Perthes-les-Hurlus et Tahure !
Ce fut effrayant ! Là, je
compris beaucoup de choses...
Je fus blessé à la poitrine. |
Apey fallut se batte. Me soubïndrey touto ma bio quand partiren a la baïounetto, dens en deludze d'enfert, se la costo que ya entre Perthos-lous-Hurlus et Tahuro !
Aco
estut enchantable ! Ala, coumprengúri fort de caousos...
Estúri blassat à la peytrino. |
Evanoui tout
d'abord, quand je revins à moi, les camarades étaient en avant vers le
Bois des Lièvres. |
Estalabourdit d'abort, quant rebïngúri a you, lous camarados èren en aouhan, bèrt lous Bos de las Lèbres. |
Mais autour
de moi... des ventres ouverts, des têtes emportées, des bras arrachés,
des jambes en bouillie ; de pauvres malheureux se tordaient comme des
vers... et ils hurlaient... ils hurlaient... à me fendre le coeur : |
Mais à l'èntourn de you... das bentres ouberts, das caps empourtats, das bras darrigats, de las camos esbouillados;... das praoubes malherus s'estoursèouen comme das bermes.. et gulàouen.... gulàouen... à me hènde lou co : |
« Maman !!
Maman !! Oh ! mes
pauvres enfants !! Brancardiers !...
J'ai soif !
Mon Dieu ! Ayez pitié de nous! » |
«
Mama !!... mama !!... Oh
!... mous praoubes petits !... Brancardiès
!... Ey set !.... Moun Diu ! ayèts pitié de nous aouts !..» |
Je me crus
fou !
Mais je ne l'étais
point.
Je me rendis
compte, là... que nous sommes peu de chose ! Pauvrets de nous ! |
Me querduri foou !
Mais l'èri pugn.
Me rendúri coumpte, ala... que sèn tsic de caouso !... Praoubèts de nous aouts ! |
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Lou maou-ha ! L'ourguil ! Esta mèstes ! Ne mey creyre à rè ! N'aoubaï qu'a noste cap ! Praoubes inoucènts ! |
Il en est qui, en nous faisant des compliments, ont trouvé leur profit !
Ils le tirent
encore en conservant leur peau et en amassant des sous...
Ces pensées
m'irritaient …, Et mon sang coulait plus fort par le trou de ma
poitrine... Je ne voulais pas mourir, tu sais... Ma femme... mes petits...
mes vieux... le clocher de Lesparre.... celui de Saint Trelody... Je
voulais revoir tout cela... |
En nous hadènts das coumpliments, gn'a das que n'an proufitat !!
Et que n'en proufiten aneyt en gardants lu pèt et en massants das sos ...
A pensa a tout aco, èri esmalit... Aco me hadè coula lou sanc pe rude,. praou cros de ma peytrino... Bouli , pas mouri, sabes... Ma hemo... mas petitos... mous beils... lou clouchey de Lesparro ... lou de Sent-Arlódy... tout aco bouli rebeyre... |
Et puis je voulais vivre pour me faire pardonner le passé. Car, ce jour-là, je sentis... que moi aussi j'étais pour quelque chose dans cette guerre d'enfer. Je n'avais pas toujours fait mon devoir...
Les menteurs
et les criminels qui n'ont pas su ou n'ont pas voulu prévoir, empêcher
le grand carnage... c'est bien moi et tant d'autres comme moi qui leur
avons confié la garde du Pays !...
Ils se sont f ... ichus de nous. Ils nous laissent bien égorger, ici !... Mais nous sommes les premiers coupables ! |
Apey bouli bíoure pre me ha perdouna lou passat. Caro sïntúri, aquet dzoun…. que you tabè èri pré quaouquou rè dens aquero guerro d'enfert.. N'aoui pas toujoun heyt moun débé...
Lous messoundzeys et lous criminels qu'an pas sabut o n'an pas boulut prebeyre, empecha lou grant carnatze... es bè you et tant d'aoutes coume you que lous èn més a garda lou peïs...
S'an foutut de nous aouts... Nous quitten bien sanna, aqui !... .Mais.. sèn bè lous premeys coupables !... |
Je me disais
tout cela... Pendant que mon sang se caillait autour de la fente de ma
capote et que la fièvre faisait trembler mes joues. |
Me didèoui tout aco... tant que moun sanc se caillaou a l'entourn de la hèndo de ma capoto et que la hioure me hadè trimoula lous clafitas... |
Alors, tu ne sais pas ? L'envie me prit de parler au bon Dieu ! ! Moi qui ne pouvais, sans me mettre en colère, voir un curé ni une église ! |
Alors, sas pas ? L'embèyo me prengut de parla aou boun Dieu !! You que poudi pas bèyre en curè ni eno gleizo sens m'esmalí ! |
Mais tu peux croire que j'étais joli pour prier ! Je me souvenais mieux de la manille... que du « Notre Père »...
Alors tu ne
sais pas ce que je fis ?
Je parlai en ces termes au bon Dieu : |
Mais pas creyre qu'èri mignoun pré prega ! Me soubinèoui meillou de la manillo... que daou « Noste Pèro »..
Alors sas pas ce que hiri ?
Parlèri ataou aou boun Dieu : |
« Dites donc, Vous qui êtes si bon, m'a-t-on dit, n'allez Vous pas me regarder comme l'un de Vos enfants ?
Je suis votre pauvre b…. de Lézard. J'ai fait de tout, excepté le bien. |
« Didèts doun, Bous que sèts si bon à ce que m'an dit, èsque anats pas me gayta coume ün de bostes maynadzes ?...
Sey
boste praoube bougre de Ladèrt. Ey heyt de tout, outre
lou bien. |
J'ai fait fâcher
le Curé... j'ai joué mille
tours dans votre église au pauvre Titon et au vieux Jeanty; j'ai fait
enrager mes parents; j'ai couru la gueuse; je me suis saoulé comme un
chien; j'ai frappé ma femme, mes petites, comme de la toile mal faite (Expression
médocaine)... A Vous... j'ai fait mille
peines...
Voilà ! |
Ey heyt marouna lou Curé, ey heyt mille guimbelettos dens bosto gleize aou praoube Titoun et aau beil Jeanty; ey heyt debeni mous praoubes beils; ey courut la guzo; mey ibrougnat coume en can; ey batut ma hemo et mas petitos coume telo maou heyto... A Bous... Bous ey heyt mille escarnis ...
Bala !... |
Mais... pourtant !! Vous qui êtes bon et juste !! Vous qui voyez combien je me repent de tout cela... il Vous faut me pardonner, n'est-ce pas ?
|
Mais ... pertan !!... Bous que sèts bon et dzuste !... Bous que bedèts coumbièn me repènti de tout aco... faou me perdouna, pray ?...
|
Si je meurs, c'est en faisant mon devoir... Vous ne pouvez pas me fermer la porte... Si Vous me sauvez... Vous verrez si le Lézard saura tenir sa promesse !...»
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Se
móri... aco's en hadènts moun débé... Poudèts pas me barra la
porto... Se me saoubats... Beyréts se lou Ladèrt sabra teni paraoulo
!... »
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Il s'arrêta
de parler. Il était
oppressé d'émotion. « Que penses-tu de ça ? » me dit-il tout à coup, en me regardant droit dans les yeux. Je ne pouvais répondre. |
S'arrestèt.
Pantuhaou d'emotioun.
« Que penses d'aco ? » se dichut tout d'en cop, en me gaytants dreyt dens lous èils. Poudí pas respounde... |
Je n'avais envie que de pleurer.
J'avalai deux
ou trois fois mes larmes et je lui répondis à voix basse |
N'aouí qu'embèyo de crida.
Trasiri dus ou tres cops et yé respoundúri doucémén : |
« Mon brave
Lézard ... . tu as parlé comme un livre...
Et... le Patron t'exauça ?
Oui, Il m'exauça ! |
« Moun brabe Ladèrt... parlères coume en libre...
Et...
lou Patroun t'escoutèt ?
O ! m'estcoutèt ! |
Quand l'Aumônier
me releva avec les brancardiers, je lui redis tout.
Je me
confessai, mon ami ! ! Le Lézard se confessa !...
Et... pas à un chêne, comme le pauvre Laurent... A l'Aumônier, à un
Curé, quoi !
Et le brave
homme me donna tout son fourbi et m'embrassa comme du pain. |
Quant l'aumoniè me reluèt en lous brancardiès, yé redichúri tout...
Me coufessèri, moun amic !!! Lou Ladèrt se coufessèt !! Apey... pas a d'en cássi, coume lou praoube Laourènts... A l'Aumoniè, a d'en curè, quoi !
Et
lou brabe houme me baillèt tout soun fourbit et me biquèt coume pan. |
Depuis
ce jour, j'ai fait mon devoir. Mes chefs me considèrent comme leur fils.
Ils disent que je suis courageux. Ce doit être vrai car je veux compenser
le temps que j'ai perdu. |
Dempey ey heyt moun débé. Mous chefs me treten coume lu maynadze, cáro diden que sey couratzous. Dieu esta brayt, cáro boy resquita tout moun tèms perdut. |
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Mous pe bons amics soun toumbats...l'Aumoniè tabè... Tout aco drom... aqui... aou cemetèri... Deman ya attaquo... en faço daou Saillan... |
J'ai
voulu venir encore une fois, en suivant le boyau « Mangénot », les
fleurir et prier pour eux... et leur dire... peut-être « Au revoir
demain... ici... ou là-bas En-Haut... |
Ey boulut beni encáro en cop, en siguènts lou bouyèou « Mangenot », lous flouri et prega pr'ets... et yé ze dire... belèou « A rebèyre deman... aqui... o... la-bas En-Haut... |
Ecoute, Thoumille, je suis content de t'avoir trouvé. Si quelque chose m'arrive tu diras tout ceci aux miens. Tu diras à Marie, ma femme, de bien élever les petits et de bien soigner nos vieux. |
Escouto, Thoumillo, sey countènt de t'ayé troubat... Sé quaouquo rè m'arribo, diras tout aco as mènts. Diras à Mario, ma hemo, de bien elua las petitos et de bien sougna nostes beils... |
Tu leur diras de ne pas pleurer le Lézard qui sera mort heureux de leur avoir enfin fait honneur.
Ah
! mon homme ! Je t'ai
suffoqué !! |
Yé zé diras de pas ploura lou Ladèrt, qué sara mort herus de yés ayé heyt enfin aounou ...
Ah ! moun home
!!! T'ey santrasit !!! |
Viens boire un coup de pinard, tiens !
Et ne prends
donc pas cet air transi... Le Lézard ne s'en fait pas, tu. sais... Il est
plus heureux que jamais ! Il souffre... Mais, maintenant, il sait pour
quoi et pour qui !... |
Aco's ataou !...Bèn buoure en cop de pinart, tè !
Et prengues pas doun aquet airt trasannat... Lou Ladèrt s'en hèy pas, sabes !... Es pés herus que jamès ! Soffrou... mais, adaro, sap pré qué et pre quey !... |
Tiens !
écoute-moi ça... »
Et le voilà qui me chante « la Madelon" ! |
Té ! escouto m'aco... »
Et lou bala pas partit a me canta « la Madeloun » ! |
Il me quitta
après m'avoir raconté un tas de plaisanteries à me faire éclater les
cercles !... Ah ! fichu Lézard
!! |
Et me quittèt, après m'aye dit en tat de rimolos a me ha peta lous codres...
Ah
! gaoume de Ladèrt !!... |
Six jours après l'attaque parfaitement réussie son capitaine me fit remettre une lettre :
«
P. C. Blanchetière, »
Mon cher Monsieur Thoumille, |
...
Cheys dzouns après l'attaquo, qu'aouè parfetemen reussit, soun capitaino
me bit remette eno lettro : «
P. C. Blanchetière, |
«
Le sergent X... est tombé magnifiquement, en conduisant sa demi-section
à l'attaque d'une mitrailleuse. On a trouvé sur lui une lettre qui vous
est adressée et que je vous envoie.
J'y
joins le texte de la citation à l'armée que j'ai facilement obtenue pour
ce brave.
Je
vous félicite d'appartenir vous-même à ce Médoc qui nous a donné un
semblable Poilu. » |
Le sergent X... est tombé magnifiquement en conduisant sa demi-section à l'attaque d'une mitrailleuse. On a trouvé sur lui une lettre qui vous est adressée et que je vous envoie.
J'y joins le texte de la citation à l'armée que j'ai facilement obtenue pour ce brave.
Je
vous félicite d'appartenir vous même à ce Médoc qui nous a donné un
semblable Poilu. » |
Tout étourdi,
les yeux pleins de larmes, je lus le petit papier : « Sous-officier remarquable de discipline, d'entrain et de cran. Modèle complet du soldat français. Frappé au coeur d'une balle, au moment où, dans une irrésistible charge, à la tête de sa demi-section, il s'emparait d'une mitrailleuse allemande.
Déjà
cité trois fois à l'ordre. » |
Tout
estalabourdit, lous èils plens de lermos, legiri lou petit papey: « Sous-officier remarquable de discipline, d'entrain et de cran. Modèle complet du soldat français. Frappé au coeur d'une balle, au moment où dans une irrésistible charge à la tête de sa demi-section, il s'emparait d'une mitrailleuse allemande.
Déjà cité trois fois à l'ordre. » |
En tremblant,
j'ouvris la lettre du pauvre ami :
«
Boyau Sainte Anne, ce samedi soir.
Mon
cher Thoumille, |
En
tremblants, oubríri la lettro daou praoube amic : «
Bouyèou Sento Anno, aquet dissades aou Sey
Moun
chère Thoumillo, |
Quand tu liras ceci, le Lézard aura tourné l'oeil en faisant tout son devoir. Ne pleure pas.
Je suis prêt et je pars content. |
Sey preste et párti countènt. |
Quand tu iras en permission, tu passeras voir tous les pauvres miens : Papa, maman, Marie et mes petits. |
Quant ayras en permessioun, passeras beyre touts lous praoubes mèns : Papa, mama, Mario et mais petitos. |
Embrasse-les tous pour moi... bien fort. Et surtout dis-leur d'être courageux. Je m'en vais en-Haut. J'espère que le bon Dieu me donnera un coin de sa demeure et que Titon, le vieux Jeanty et Manillon se tairont pour ne point me faire expulser. |
Biquo lous touts pré you... bien rude. Et sertout di yé zé d'esta couratzous. M'en baouc en-Haout. Espèri que lou boun Diou me dounera en cugn de soun oustaou et que Titoun, lou beil Jeanty et Manilloun se tayseran pré pas me ha mette dehoro. |
De là-bas, je veillerai sur vous tous... jusqu'à ce que le bon Dieu et Sa Sainte Mère nous rassemblent... Prie pour moi. Courage ! Vive la France ! Et notre Médoc ! Je t'embrasse comme un frère.
Ton
vieux, Lézard. |
De la-bas, beillerey se touts bous aouts amasso... dzunquos a ce que lou Boun Diou et sa Sènto May nous amaynen...Prégo pré you. Couratze ! Bibo la Franço ! Et noste Médoc ! Te biqui coume en fray.
Toun
beil Ladèrt. » |
Dites donc,
camarades médocain, si vous passez, par hasard, dans le secteur de Tahure,
sur la gauche du chemin qui part de Perthes vers le Nord, à cinq ou six
cents mètres dans les champs, près d'un bouquet de petits pins que la
bataille n'a pas déchiquetés, vous trouverez un cimetière de pauvres
enfants... |
Didèts
doun, camarades médouquins, se passats pr'hasart dens lou secturt de
Tahuro, se man gaoucho daou camïn que part de Perthos bèrt lou Nort, à
cïnq ou cheys cènts mètres dens lous cams, près d'en bouchoun de
petits pïns que la bataille n'a pas espichagats, trouberéts en cemetèri
de praoubes maynadzes... |
Tout à fait
au bout, du côté du soleil couchant, il y a une petite croix blanche sur
une tombe fleurie...
Arrêtez-vous...
Saluez et priez... |
Tout
a fèt aou bout, daou coustat daou sou coutsan, ya eno petito croudz touto
blanco, ses eno toumbo flourido...
Arrestats
bous aouts. Saludats et prégats... |
C'est la
tombe d'une ancienne mauvaise tête et d'un grand coeur... la tombe d'un
des plus beaux fils de notre Médoc... la tombe du sergent Lézard, mort
en brave au Champ d'Honneur !... |
Aco's
la toumbo d'en ancièn michan cap et d'en gran co... la toumbo d'un das pe
bèts hills de noste Medoc ... la toumbo daou sergent Ladèrt, mort en
brabe aou Cam d'aounou !... |
P.
C. Canons (Tahure)
16 Décembre
1917. Ferme
de Pas (Montdidier) Pâques
1918. (Paru dans le Rayon » de Noël 1917 et de Pâques 1918.) |
P.
C. Canouns (Tahuro) lou sedze Decèmbre
1917. Fermo
de Pas (Montdidiè) Páscos
1918. (Paréchut dens « lou Ray » de Nouèil 1917 et de Páscos 1918.) |
D-M. BERGEY |
Réalisée le 23 septembre
2004 |
André Cochet |
Mise ur le Web
le octobre
2004 |
Christian Flages |
Mise à jour
le |
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