TEXTES EN GASCON.

 

Ma Garbetto.

(Ma petite gerbe)

 

Miettes du coeur.

Sonnets.

 

Migaillos daou co.

 

Sounets.

 

 

Récits et poésies en Langue d'Oc (contrée de Lesparre) avec traduction de l'auteur.

 

Abbé D-M. BERGEY. Curé de Saint Emilion 
ex-Aumonier Militaire du 18 ème R.I.

Edition de la Revue Méridionale.  5 rue Fondaudège. Bordeaux. 1923.

Collection Christian de Los Angeles.

 

 

Ces textes sont issus d'un livre ancien.
Photocopiés et scannés avec reconnaissance de caractères.
Ils peut subsister des erreurs, surtout en gascon.

Prière de nous les signaler. ancochet@wanadoo.fr

 

Mon Neveu.

(A toi, Daniel, mon petit homme)

Moun Nebout.

(A tu, Daniel, moun petit home)

Quel gosse, mes enfants ! Jamais le pareil !

Si, aux cabinets, on vous ferme la targette,

Si l'âne est détaché, si on a arraché des haricots

Au jardin, si on a raclé votre morceau de savon.

Quaou cochou, mous éhants ! Jamais lou parioun

S`a las coumeditats bous barren la tardzetto,

Se l'ase es destacat, s’an darrigat moundzetto

Aou casaou, s'an rasclat boste pan de saboun,

Ne chercher pas ! C'est lui ! Il s'échappe en avion

Dans un vieux panier en bois. Au fond d'une musette

Il garde soigneusement pointes, clous, sous, boutons de braguette,

Et tout un tas d'affaires de son invention.

Cerquièts pas ! Aco's het ! S’escapo en abioun

Dens en beill bassiot. Aou soou d'eno musetto,

Recato püntos, claous, sos, boutouns de braguetto,

Et tout en tas d'affas de soun ímbantioun.

Quand il va chez sa grand'mère, il grimpe sur son dos ;

Ils font la course à  cheval  à  travers la cuisine.

Il est donc déluré et dissipé ! Mais je ne l'ai jamais battu !

Quand ba che sa memé, se criquo a soun esquíno.

Han la cousso a chibaou a traoués la coudíno.

Es doun escampichat ! Mais l’ey jamais battut !

Quand je pense que c'est lui qui fleurira ma tombe,

Qui sera l’héritier de ma vie qui tombe,

J'ai beau m'agiter en criant... Il m'embrasse... et... je suis... perdu.

Quant pensi qu’acos ét que flourira ma toumo

Que sara l'heretey de ma bio que toumbo

Ey bèt m’esmarluca... Me biquo... et... sey foutut.

A la maison. Février 1923. A l’oustaou, Fevrié 1923.

Ma Nièce.

(A la petite Suzette et à sa maman.)

 

Ma Néboudo.

(A la petito Suzetto et à sa mama.)

 

Elle, se réveille en riant, toute joyeuse,

Ouvrant ses yeux noirs, comme un écureuil ;

Agitant ses petons, dans les plis du drap,

Elle appelle, en agitant ses bras, sa mère qui l’a veillée.

Se rebeillo en ridènts, touto escaribilládo,

Oubrénts sous negres èils coume en gat esquiroou ;

Trementants sous petouns dens lous plecs daou linçoou

Hucho, en s'esbrasseyants, sa may que l’a beilládo.

Auprès du petit morceau, je suis comme un pauvre fou !

Quand elle se dresse debout sur le lit, sa chemise mouillée,

Qu'elle embrasse, à   pleines lèvres, ma joue pleine de salive,

Je sens son petit museau me chauffer jusqu'au fond.

A l’entourn daou mourmec, sey coume en praoube foou !

Quand se masto daou leyt, sa camíso mouilládo,

Que biquo, à pleins balots, ma gaoute embaouilládo,

Sènti soun petit mus me caouha trunqu'aou soou.

Je passe souvent ma main dans ses cheveux bouclés,

Doux comme un miel de mai, luisants comme les blés.

Je la serre dans mes bras, à  la croire écrasée.

Pássi souhén ma man dens sous peous rebiglats,

Dous coume en mèou de may, lusènts coume lous blats;

La sárri dens mous bras, à la creyre esbouillado.

En écarquillant les yeux, elle s'amuse avec un bouton,

Et lorsque, comme un petit chat, elle caresse son tonton

Je suis tout réchauffé, comme à  une flambée...

En se rebouterants, s'arraíllo en d'en boutoun,

Et quand, coume en minot, parouno soun toutoun...

Sey tout escaoudinat coume a d’eno haillado.

Saint Emilion, Avril 1923 Semelíoun, Abriou 1923.

Rayon de Jeunesse.

(A vous, maman ...)

Ray de Dzenesso.

(A bous, moumay ...)

Printemps, caresses, fleurs... J'étais à   cet age,

Où tout sourit : Passé, Présent, même Avenir...

Où la vie est un livre parfumé, dont chaque image

Nous conserve toujours un riant souvenir.

Printéms, caressos, flous... Héri dens aquet adze

An tout sourís : Passat, Presén, même Abení...

An la bio es en libre aoulén, doun cade imadze

Nous counserbo toujoun en ridèn soubení.

Ah ! temps cent fois heureux, où je n'étais qu'un enfant !

Temps de plaisirs, de tendresses où je voudrais, revenir !

Temps où le coeur pur est un Ciel sans nuage,

Que le malheur n’a pas encore pu ternir !...

Ah ! tems cent cops hérus an n'éri qu'en maynadze !

Tèms de plaisis, d'amous an boudri rebení !

Téms an Iou co sancey es en cèou sens nuadze,

Que lou malhurt n'a pas enca pouscut terní !...

II est passé ce temps... passé sans espérance ...

Au seuil de la vie j’ai trouvé la souffrance...

Enfant j’avais ri :   homme il me faut pleurer ! ...

Es passat aquet téms... passat sens esperanço.

Saou seillaou de la bío ey troubat la souffranço

Maynadze aoui ridut : home me faou ploura !...

... Il me reste un trésor pour mon âme en détresse

Un rayon du soleil d'or qui embauma ma jeunesse ;

Ma mère, dans mon berceau m'apprit à  prier.

...Me damoro en trésort pré moun amo en destresso,

En ray daou soureil d'ort qu'embaoumèt ma dzenesso

Moumay, dens moun berçoou, m'ensegnèt à prega.

(Paru autrefois.)

(Parechut a’stat.)
Crépuscule sur la Mer.

(A Couzin, l’aimable pécheur de Pointe de Grave.)

Escuragno sè la Ma.

(A Couzín, l’aymable puscayre de Punto de Gráou. )

Un frisson d'amour, léger comme un bruit d’aile,

Caresse les dunes de sable et le front vert des pins.

Dans l’herbe rafraîchie s'amusent des lapins,

Pattes et museau en l’air, comme pour boire « chabrot ». (1)

En fresilloun d'amou, lioudzey coume en breyt d'álo,

Parouno lou sablèou et lou ten bert das pïns,

Dens l'herbat rafresquit s'arraillen das lapïns,

Paoutos et mus en l’airt, coumé pré la goudálo.

Dans la léde, un troupeau d'ânes et de poulains

Folâtre, suivi d’une jeune jument,

Et dans le « pignada » que le soir balance lentement,

Courent des rayons de lumière... comme des « loumanins ». (2)

Dens la ledo, en ligot d'ases et de pourïns

Foulatreyo, sigut d'eno dzeno cabálo

En dens lou pignada, qué lou dessey soubálo,

Couren das rays de luts... coume das loumanïns.

Sur la plage, un goéland dans l’écume se baigne.

La marée, en fredonnant, s'étire et gagne ;

Sur les coquillages et sur les cailloux elle sautille sans s'arrêter.

Se la plajo, en gouyland dens la roiffo se bágno.

La marèyo, en sansouneyants, s'estiro et gágno ;

Sas tès et sas caillaous saoutillo sens réma.

Et, tandis que vers « le Gurp » (3)  la Mort semble brâmer,

Le soleil couchant s'endort dans les bras de la mer,

Enveloppé dans le linceul du crépuscule....

Et, tant que, bert lou Gurp, la Mort semblo brama,

Lou sou coutsan s'endrom dens lous bras de la Ma,

Engouloupat dens lou linçoou de I'escuragno...

(1)      Vin mélangé de bouillon, que le paysan boit après sa « soupe ».

(2)      Monstres des légendes médocaines. Ils poursuivaient les humains en crachant sur eux de longues flammes.

(3)      « Le Gurp » (le Gouffre) est un point particulièrement agité de la côte entre Soulac et Montalivet.

Soulac, Juillet 1922. Soulac, dzuillet 1922.
Mon petit chien.

(En souvenir de Toutou, Turc, Loubet et Ponpon,nos chiens de la maison.)

Moun cagnot.

(En soubeni de Toutou, Turc, Loubet et Pounpoun nostes cans de l’oustaou. )

Mon petit chien est laid, maigre comme un coucou,

Couvert de puces creusant toujours un coin de terre

Pour trouver le gros rat. Dans le jardin il bouleverse comme un râteau

Poireaux, fraises, navets, fèves, avec rapidité.

Moun cagnot es bílèn, magre coume en coucut,

Couberts de piouts, crousant toujoun en cugn de terro

Pre trouba lou bouboun. Dens lou casaou, rasterro

Póros, frágos, panèous, haougrossos, de rescut !

Pourtant je l’aime, mon chien !  Le jour qu'il me vit,

Triste, malade et las, revenir de la guerre,

Il m'ouvrit des yeux de petit chat qui s'écarquille

Et, pour me consoler, il fit tout ce qu'il put.

Pertant l’aymi, moun can ! Lou dzoun qué me bistut

Triste, malaout et las rebeni de la guerro,

M'oubrit das eilIs de minot que se rebouterro,

Et, pré me counsoula, hit tout ce que pouscut.

Il se coucha à   mes pieds, le long de la banquette,

Levant parfois son museau, remuant sa petite queue,

Toujours, pour m'amuser, sautant de bonne humeur.

Se coutsèt à mous pès, lou long de la banquetto,

Luants das cops soun mus, remudants sa couguetto,

Toujoun, pré m'arrailla, saoutants de bon’ himou

Il me fut comme un ami, muet, mais que je compris.

Je n'oublierai jamais, le repos que je pris

Dans ses bons yeux de chien tout étincelants d'amour.

M'estut coume en amic, muc, mais que comprengúri.

N'oubliderey jamais lou repaous que prengúri

Dens sous bons èils de can tout lasinants damou.

Lesparre, Juin 1923. Lesparro, Dzugn 1923.
Les heures du jour

Le matin.

(A mon cher parrain, Justin des Marceaux. Son filleul.)

Las horos daou dzoun. 

Lou matïn.

 

(A moun chère pepïn, Justin das Marsáous. Soun hilloou. )

Le coq a chanté. Toute la volière .

S'ébrouit et caquette au premier rayon du jour.

Le chien aboie à   un chat, prés du parc à  cochons.

Le cheval, tout fringant, s'impatiente à  la barrière.

Lou beguey a cantat. Touto la pourailleyro

S'esbrouís et caquetto aou premey ray daou dzoun.

Lou can dzanglo a d'en gat, près daou parc à tessoun.

Lou chibaou, tout frïngan, tartuco a la barreyro.

Les oies, autour du large bassin en pierre

Où trempent à  moitié des faix de carassonnes

S'étranglent à  brailler leur sotte chanson.

La femme, doucement, s'est levée la première.

Las aouquos, à l'entourn daou lardze naouc de peyro,

An trèmpen a meytat das heys de carrassoun,

S'estranglen a gula lu mouraoudo cansoun.

La hemo, doucemen, s`a luat la premeyro.

Les boeufs, en ruminant, se mettent à  mugir.

Le père, bientôt sur le seuil examine vers la mer

Pour voir si le temps promet belle journée.

Lous béous, en roumigants, se bouten a brama.

Lou pay, léou, saou seillaou espío bèrt la ma,

Pre beyre se lou téms proumet bèro dzournádo.

Les enfants, en chemise, rient au beau matin.

La vieille et le vieux, tournés vers le pétrin,

S'essoufflent sur la pâte et font lever la fournée.

Lous petits, camisots, riden aou bèt matïn.

La beillo apey Iou beil, accarats aou prestïn,

Pantuhen se la pasto et lèouen la hournádo.

Le midi.

Meydzoun.

Le château a frappé l’heure aux femmes de journées.

Le petit village a répété l'Angélus du clocher.

Au bout du cavaillon s'arrête le bouvier,

Et le troupeau tout blanc des femmes qui «sarmentent ».

Lou castèt a truquat l’horo a las dzournalèyros.

Lou mayne a repetat « l’Angelus » daou clouchey.

Aou bout daou cabailloun s'arrèsto lou bouhey

Et lou ligot tout blanc de las chermentanèyros.

A l’ombre d'un aubier, près des « vimières »,

Deux cailloux et des morceaux de vieille latte s'arcboutent pour former un foyer.

Chacun sort son manger du fond de son panier

Et s'assoit, en riant, sur un lit de fougères.

A l'oumbro d'en aouba, prés de las bimanèyros,

Dus caillaous, daou latoun s'accouten pr'en houguey.

Cadun sort soun mindza daou soou de soun paney

Et se cheyto, en ridènts, ses en leyt de haouguèyros.

Ils boivent à  la bouteille, à  la courge, ou au bol.

Chacun raconte à  son voisin une vieille blague,

Et, sans faire de mal à  personne, ils savent tous d'amuser.

Búhen a la bouteillo, aou cuyot, à la bólo.

Cadun counto aou besïn eno beillo rimólo,

Et, sens maou a diguns, saben touts s'arrailla.

Les hommes vont harnacher le bétail, les femmes « en benéze » (1) se dépêchent.

Et tous, dans les sillons, se hâtent autant qu'ils peuvent,

Dès que frappe au château l’heure de travailler.

Lous homes ban liga, las benèzos s'accouyten,

Et touts, dens las canaous, tant que poden emplouyten,

Des que truquo aou castèt l’horo de trabailla.

Le soir.

Lou dessey.

Le père a désharnaché ses boeufs dans l’étable.

Il s'en va vers la meule de paille arracher sa fourchée

Pour faire la litière des vaches. La mère, toute courbée,

Appelle la volaille au grain, dans la basse-cour.

Lou pay a desligat sous beous dens la pargaou.

S'en ba bèrt lou pailley darriga sa hourcádo

Pré soustra lou baquat. La may, touto plégádo,

Appéro la pouraillo aou grun, dens la tioulaou.

L'aîné des garçons tire au licou le cheval,

Pour le lâcher sur la prairie verte, où il passe sa nuit.

Sa soeur pèle de l'ail, en chantant, assise,

Pendant que le petit frère tire son tablier.

L’eynat das droles tiro aou licot lou chibaou,

Praou larga saou treouts bert, an passo sa neytádo.

Sa tsoy pelo de l’ail, en cantants, acheytádo,

Tant que lou petit tsay tirougnou soun dantaou.

Le grand père, sur la petite table vacillante sur ses pieds,

Trie pour leur souper des blets (2) et des pourpiers

Qu'ils ont porté de la vigne avec de l'oseille sauvage.

Lou pépé, saou taoulet trimoulant se sous pés,

Trigo pré lu soupa das blets et das perpès

Qu'an pourtat de la bigno, en de la paladèro.

La grand’mère coupe un morceau de lard au bâton tripier (3)

Et, rangeant ses tisons au milieu du foyer,

Prépare le « tourin » dans sa vieille poêle.

La mémè coupo en tros de lart aou paou tripey

Et, massants sous tidouns aou mittan daou houguey,

Preparo lou tourïn dens sa beillo padèro.

(1) « Benéze », coiffure de travail pour les femmes.  

(2) Herbes comestibles qu'on trouve dans les champs et particulièrement dans les vignes.  

(3) Le « bâton tripier » garni de saucisses, de boudins, de lard est suspendu dans les cuisines.

Un peu partout en 1923.

En tsic pertout en 1923.

D-M. BERGEY.

 

 

 

Réalisée le 1 octobre 2004

 André Cochet

Mise s<ur le Web le     octobre 2004

Christian Flages

Mise à   jour le

                 

 

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