UNIVERSITE BORDEAUX III
Année 1999-2000

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SOMMAIRE:

La commune de Pujols sur Ciron est un petit village situé sur la rive gauche de la Garonne à une cinquantaine de kilomètres de Bordeaux. C'est un village qui s'étale sur 753 ha à une altitude maximale de 21 mètres. Les traits caractéristiques de cette petite paroisse sont avant tout, sa petite église de style roman dont son portail et « sa vierge à l'enfant » sont classés monuments historiques, son pont et son château édifiés au 16ème siècle.

Pujols sur Ciron a toujours été entouré d'un important vignoble qui aujourd'hui est classé A.O.C. « graves et graves supérieur ». Les bois aujourd'hui disséminés étaient relativement importants au début du 19e siècle. L'exploitation du domaine forestier était à l'époque en fort développement. Elle s'est accentuée tout au long de ce dernier siècle, expliquant la raréfaction de la forêt de Pujols sur Ciron. A noter, aussi, la présence de carrières qui ont été fortement exploitées au 18e et 19e siècles mais qui sont de nos jours à l'abandon.

Nous nous sommes intéressés à la vie des Pujolais et des Pujolaises durant la période 1810-1828. Faute de recensement, nous n'en connaissons pas la population exacte, mais sur certains documents annexés se trouvant à la Mairie de P/Ciron, nous avons pu découvrir qu'en 1815 la population était environ de 846 habitants et de 989 en 1830. La population de P/Ciron est aujourd'hui de 728 habitants.

921 actes ont été dépouillés à la Mairie de P/Ciron.

- 459 actes de naissance.
- 309 actes de décès.
- 153 actes de mariage.

Ces documents sont répertoriés par catégories et par périodes de 5 à 6 ans sur trois registres différents. Nous avons pu constater que les actes d'une même année étaient rapportés sur des cahiers d'état civil envoyés par Bordeaux annuellement. Les actes sont enregistrés par l'officier d'état civil de la commune qui est généralement le premier adjoint ou plus rarement le Maire. Ils ne sont pas toujours rédigés de façon conforme à la loi civile imposée par Bordeaux. Les officiers de l'état civil se sont renouvelés relativement souvent entraînant un manque d'uniformité dans les informations écrites. De ce fait, les oublis volontaires ou involontaires ne sont pas rares; les professions sont parfois occultées.

Pour mener cette étude, nous avons utilisé le dépouillement sur fiches puis leur exploitation sommaire; même si les résultats, dans ce cas ne sont que partiellement exploités ( pas de reconstitution des familles), elle nous permet d'envisager les éléments les plus caractéristiques de la population de P/Ciron de 1810 à 1828.

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Le mariage est un phénomène incontournable de vie familiale du 19e siècle. Il est l'acte social à l'origine de la constitution de toute nouvelle famille. De 1810 à 1828, notre commune connaît 159 mariages, soit une moyenne de 8 mariages par an. Les unions varient d'une année sur l'autre. L'année 1815 est celle ou l'on se marie le plus ( 12 mariages) à l'inverse durant l'année 1818 seul 4 mariages ont été célébrés. Le nombre des mariages a connu deux grandes périodes autour des années 1815 et 1825, entourées de périodes plus creuses.

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L'étude de ces mouvements saisonniers, nous permet de repérer les comportements sociaux des individus en matière de mariage.

Respectent ils les temps clos de l'Eglise ou les temps forts du travail agricole ?

En observant notre courbe, nous remarquons en effet des mois plus propices que d'autres aux mariages.

Les mois les plus faibles sont les mois de mars, avril, juin, juillet, août et décembre. La baisse de l'indice pour les mois de mars et décembre, s'explique, sans doute, par le respect des temps clos que sont le Carême et l'Avent. Ces interdits religieux sont suivis logiquement dans ce petit village de campagne non atteint encore par la déchristianisation en profondeur. De plus la population du village est essentiellement composée d'agriculteurs. Les mariages n'ont donc pas lieu dans les périodes de gros travaux agricoles, ce qui explique la chute du nombre des mariages en Juin, Juillet et Août, mois des moissons et octobre mois des vendanges.

Durant les autres mois de l'année, le nombre des mariages est très élevé compte tenu des restrictions vu plus haut.

Comme partout ailleurs, on se marie donc généralement en hiver et c'est le mois de février qui l'emporte.

Il faut noter ici, une hausse anormale de mariages pour le mois de septembre mais qui peut s'expliquer par le besoin de se marier entre les gros travaux agricoles de l'été et les vendanges pour les plus pressés. Il faut enfin remarquer que les gens se marient en semaine, sur deux jours et surtout pas le dimanche, jour du Seigneur.

1) Statut matrimonial avant le mariage.

A P/Ciron, 88% des mariages sont des premiers mariages pour les deux époux. Le nombre des remariages est relativement bas. Il n'est que de 12 %.

Quand un veuf se remarie, il le fait le plus souvent rapidement ( moins d'un an après la mort de sa première femme) et c'est surtout quant il a encore des enfants à charge. Il lui faut quelqu'un pour s'en occuper, tenir la maison et l'aider dans les travaux le plus souvent agricoles. Il se remarie le plus souvent avec une jeune femme célibataire.

Pour les veuves, le remariage est plus difficile, surtout si elles ont passé 35 ans et si elles ont des enfants à charge.

Cet âge est relativement élevé. La moyenne d'âge trouvée au village sur les 159 mariages qui ont eu lieu à PuJols de 1810 à 1828 est de 24.7 ans, ce qui correspond tout à fait à la moyenne nationale qui est de 24 ans et 9 mois.
Le mariage adolescent n'est donc pas la règle; seulement 10% de nos villageois se marient avant 21 ans.
La majorité des mariages (43%), à lieu entre 21 et 25 ans.

* Pour les hommes, le premier mariage intervient assez tard, nous avons à Pujols sur Ciron une moyenne de 26 ans, ce qui est légèrement inférieure à la moyenne nationale mais quand même très importante. Cet âge élevé vient surtout de la difficulté de trouver des terres à cultiver pour faire vivre un foyer. Les hommes se marient généralement après le décès de leurs parents, quand ils ont hérité.

* Pour les femmes, la moyenne d'âge au mariage est légèrement inférieure (23.5 ans). Ce phénomène est bien symbolique d'une commune rurale, la volonté de contraception qui se développe en ville et retarde donc l'âge au mariage, n'a pas encore atteint ces jeunes filles de campagne.

En général, les hommes sont plus âgés que leurs femmes au premier mariage, mais il arrive que la femme soit plus âgée, ces écarts d'âges sont parfois très élevés. Quand c'est en faveur de la femme, la formation du couple est différente, elle prend alors une plus grande place dans le foyer.

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Même au 19e siècle, des règles non officielles sont à respecter. Les mariages de personnes socialement et géographiquement éloignés sont très mal perçu par l'entourage. Des pratiques de contestation se sont développées depuis plusieurs siècles comme le chari vari.
L'endogamie géographique nous permet de déterminer l'origine des conjoints.

Selon nos dépouillements, à P/ciron de 1810 à 1828, sur 153 mariages, 83 ont lieu entre des Pujolais, soit 54.2 % alors que 45.8% ont lieu entre une personne de Pujols et quelqu'un d'étranger à Pujols. Pour les personnes extérieures, la proportion est à peu prés la même entre les hommes et les femmes.

Pour la très grande majorité des mariages qui se font avec quelqu'un d'extérieur à la commune ces personnes appartiennent à des villages très proches de Pujols.

Cette endogamie est habituelle dans le monde rural ;quand le futur époux hérite d'une terre sur place pourquoi irait il se marier ailleurs ? Mais notre village est relativement petit, c'est la raison pour laquelle plus de 40% se font avec un conjoint de l'extérieur. Les hommes sont forcés d'aller chercher une femme dans les villages alentours pour trouver des terres.

Profession époux /père et /beau-père

Dans 28,4% des cas, le futur époux à la même profession que son père. Ce taux rencontré à Pujols est inférieur à la moyenne nationale, mais, comme nous l'avons dit plus haut, il faut être prudent avec la représentativité de nos actes, ce taux serait sans doute supérieur si tous les actes étaient complets.

En effet, le modèle socioprofessionnel du père reste très important, même si en ce début de 19ème siècle l'éventail des métiers à tendance à s'élargir. Il faut tout de même noter qu'avec le travail agricole, le métier se transmet avec l'héritage.

Au niveau de la reproduction socioprofessionnelle époux/beau père, c'est le cas pour 21 % de nos actes, encore une fois il faut être prudent à l'égard de nos dépouillements incomplets.

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Grâce au actes de mariage, nous pouvons calculer un taux d'alphabétisation. Il suffit de comptabiliser les signatures se trouvant au bas de l'acte. Mais il faut être très prudent car le fait de signer ne signifie par forcement savoir lire et écrire. Nous avons en effet pu constater en observant les registres d'Etat Civil des signatures qui semblaient dessinées d'une main malhabile. Le taux d'alphabétisation est relativement élevé si nous nous basons aux signatures.

41% des gens signent, hommes et femmes confondus, mais en fait, si nous examinons plus précisément les chiffres, les hommes semblent beaucoup plus alphabétisés que les femmes. 34% d'entre eux signent contre 20.2% pour les femmes.

Ce taux relativement élevé s'explique peut être aussi par la présence de deux instituteurs (présence relevée dans les actes de mariage).

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De 1810 à 1828, 458 bébés naissent à Pujols, cela fait une moyenne de 24.1 naissances / an. Nous n'avons pas de recensement total de la population, nous ne pouvons donc pas calculer le taux de natalité. Nous pouvons par contre grâce au calcul du quotient des naissances avoir une idée du nombre d'enfant / femme. Il suffit pour cela de diviser le nombre de naissances légitimes sur une période donnée par le nombre de mariages d'une période de même durée mais située 5 ans plus tôt dans le temps.

Si nous prenons pour les naissances 1816, 1821, il y en a eu 147 pour les mariages de 1810 à 1815, il y en eu 52. Cela nous donne une moyenne de 2.9 enfants par mariage, ce qui est un nombre assez bas pour un village de campagne. Peut être les premières méthodes de contraception ont elles touché la population Pujolaise.

Il faut noter que durant la période 1810-1811, nous trouvons trois paires de jumeaux à Pujols. Deux paires de jumelles et une paire de jumeaux.

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Il convient d'étudier plutôt les actes de naissance par rapport au mois de conception qu'au mois de naissance propre. La vision des attitudes face à la naissance est alors plus efficace.

Le nombre des naissances comme le nombre des mariages n'est pas égal selon les mois. Tout comme pour les mariages, il existe pour les conceptions un calendrier. Les conceptions les plus nombreuses ont lieu au mois de juin, avant que les gros travaux agricoles ne commencent, ainsi qu'en décembre, janvier et février.

Les temps clos religieux de l'avent ne sont donc pas respectés. Cet interdit religieux ou l'abstinence doit être respectée semble être abandonné par la population.

Les conceptions les moins nombreuses se situent au mois de Mars, nous pouvons constater là que l'interdit religieux en rapport avec le Carême est, cette fois-ci bien respecté.

Les mois de gros travaux agricoles durant lesquels tout le monde est fatigué, comme juillet, août et septembre, correspondent à de faibles conceptions.

De 1810 à 1828, 459 bébés naissent à Pujols sur Ciron . Sur ce total, nous trouvons 224 garçons et 235 filles. Cela nous donne un pourcentage à peu prés égal de filles et de garçons. Mais si nous regardons les chiffres de plus prés cet équilibre ne se retrouve pas année après année, en 1812 il naît deux fois plus de garçons que de filles, le contraire se produit en 1826 ce sont les filles qui l'emportent sur les garçons.

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Le choix du prénom est quelque chose de très important et très symbolique de la société ambiante, nos prénoms sont le reflet de la tradition mais aussi des changements.

La très grande majorité des prénoms rencontrés à la naissance à Pujols sont d'origine biblique; en référence surtout au Nouveau Testament, à la religion catholique. La déchristianisation semble avoir peu d'effet sur le choix des prénoms même si quelques rares originalités apparaissent, comme Pétronille.

Le choix du prénom chez les filles est très limité, en effet plus de 70% des filles s'appellent Marie ou Jeanne.

Chez les garçons le choix semble un peu plus ouvert, il faut ajouter les quatre premiers prénoms pour dépasser les 70%.

Nous trouvons très peu de prénoms multiples. En fait la tradition reste grande dans le choix des prénoms.

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Il est question ici des enfants qui son nés hors mariage.
A Pujols sur ciron ils sont peu nombreux; leur taux est inférieur à 5%.
Sur un total de 459 naissances de 1810 à 1828 seuls 20 enfants sont illégitimes.

Dans le monde rural les taux d'illégitimité sont généralement faibles, c'est sans doute par la très forte emprise de l'Eglise que ça s'explique, de plus dans ces sociétés traditionnelles l'illégitimité est encore perçue comme quelque chose de honteux et ayant trait au vice.

Il faut être prudent avec ce faible taux; les pressions du monde rural étant très fortes, les jeunes femmes enceintes d'enfant illégitime, préfèrent allez accoucher en ville. La ville étant synonyme d'anonymat.

En effet au début du 19éme siècle nous constatons à Bordeaux un taux d'illégitimité supérieur à 30%. Ce nombre élevé n'est pas représentatif de la ville de Bordeaux, il faut y soustraire les accouchements clandestins des jeunes femmes de la campagne.

Au 19éme siècle l'illégitimité progresse fortement . Dans nos registres sur 20 naissances illégitimes 6 enfants sont issus de parents non mariés, pour les autres on nous signale généralement que le père est inconnu. Les registres ne signalent pas si les parents non mariés ont l'intention de se marier ou pas, si ces naissances sont voulues ou si ce sont des accidents.

Il faut noter enfin que les mères de ces enfants illégitimes ne sont souvent que des pauvres filles appartenant aux couches sociales les plus basses, il n'est pas question ici de libération sexuelle.

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Nous n'avons pas de recensement sur la population de Pujols sur Ciron. Nous ne pouvons donc pas calculer le taux de mortalité.

De 1810 à 1828, nous trouvons 309 actes de décès, soit 16.3 décès par an en moyenne.

Au début du 19ème siècle, comme presque partout ailleurs, la mortalité connaît un recul. Sur les 19 années étudiées, la mortalité subit en effet une baisse. Les six premières années, ont des taux relativement élevés, mais en avançant dans la période, et surtout dans les dernières années, la mortalité baisse et se stabilise, à l'exception de l'année 1826 qui voit une nouvelle hausse de sa mortalité.

De plus, il faut savoir que durant ces années, la population de Pujols sur Ciron à plutôt tendance à augmenter.

Trois années connaissent un taux de mortalité bien supérieur aux autres. Il s'agit des années 1811, 1812 et 1826. Nous  savons par des documents trouvés à la mairie que durant les années 1811/1812, Pujols sur Ciron a connu des problèmes dans ses récoltes de grains. Pour l'année 1826, nous pouvons émettre l'hypothèse qu'une épidémie s'est développée car ce sont les plus jeunes enfants et les vieillards qui sont les premiers touchés par la mort.

Il faut noter enfin que les causes des décès peuvent être très différentes. la maladie, épidémie, les accidents (mortalité en couche, chutes brutales et mortelles) la vieillesse.